Lorsqu’une marque vous fait parcourir 10 000 km pour tester sa nouvelle moto, et qu’elle vous fait d’abord passer une matinée entière à essayer d’autres motos pour voir si vous êtes assez bon, c’est qu’elle prépare quelque chose de spéciale. Lorsque l’on sait de plus que cette nouvelle moto est un engin de route aux grandes performances et que cette marque est Harley-Davidson… cela promet d’être une moto exceptionnelle.
Rien ne vous laissera indifférent sur la Destroyer. Elle est basée sur la V-Rod de série. Elle est équipée des mêmes châssis et bras oscillant (et le même phare arrière), mais le moteur a été préparé avec des pièces spéciales Screamin’Eagle par les meilleurs maestros de moteurs de l’usine de Kansas, avant d’être monté sur la moto par Custom Vehicle Operations. Il a donc peu à voir avec l’original. Le diamètre de parcours du moteur est de 105 x 75,0 mm, il utilise des pistons forgés à haute compression, des bielles renforcées, et il a une relation de compression de 14:1. Ses gaz sortent par un tube d’échappement aplati deux en un, qui gronde tant qu’il peut égratigner vos oreilles.
Évidemment, ses culasses sont différentes du moteur en série, on les a travaillées en ajoutant deux arbres à cames pointus, des soupapes de plus grande taille, des conduits d’admission et un échappement élargis, en plus d’une injection électronique améliorée ESPFI et d’une centrale d’allumage reprogrammée. La puissance maximale déclarée est de 165 chevaux et son poids est de 232 kg, plus 7 kg de barre transversale. Elle est composé d’un épais slick de dragster de route sur la roue arrière. Ces chiffres peuvent sembler normaux en comparaison d’une mille de dernière génération, mais vous n’avez pas encore entendu cette bête roulant comme un missile à ras du sol, et parcourant 402 mètres et un temps qui anéantit n’importe quelle mille japonaise: 9,6 secondes…
Le pilote ne s’assoit pas sur la Destroyer, il la recouvre. Il faut enlacer fortement le guidon plat et le réservoir et se serrer contre le dossier de la selle. Lorsque l’on circule sur le paddock de la piste on change de vitesse avec le levier conventionnel, mais sur piste, on bloque la poignée de gaz à fond et on appuie sur le bouton d’actionnement du changement pneumatique, situé sur la manette gauche, à la place du klaxon. Cela coupe l’allumage durant un instant et permet d’augmenter la vitesse en une fraction de seconde. Il ne s’agit pas de dixièmes de seconde, mais de centièmes. En suivant les recommandations de Harley, pour m’habituer à la bête j’ai d’abord réalisé deux tours sans chauffer la roue arrière et en utilisant l’embrayage de façon normale… J’ai respecté quelques unes des milles recommandations reçues quelques instants avant… J’ai appuyé-frotté les deux pieds sur le sol pour maintenir la moto verticale, et éviter ainsi que la barre transversale ne cogne contre le sol lorsque le partie frontale se lève, ce qui me ferait perdre en traction et quelques dixièmes de seconde… Et cela pourrait déséquilibrer la moto, si on le fait d’un coté seulement. Face aux lumières de sortie, ou arbre de Noël comme l’appellent les pilotes de dragster, je bouge la moto vers l’avant pour activer la première lumière blanche. J’entame alors la seconde phase et la seconde lumière apparaît, un flash jaune, suivi du vert et je met enfin les gaz.
Je démarre. Le monstre se lance vers l’avant avec un son d’échappement qui m’explose les tympans, fait des embardés, chancelle, et me pousse vers l’arrière comme une flèche. En un instant une série de clignotements des lumières m’indique que je dois passer la vitesse supérieure. Je ferme les gaz… Je n’aurais pas du faire ça. J’insère une autre vitesse, puis une autre et encore une autre, presque sans respirer. Après un vacarme, je passe la ligne d’arrivée avec un temps de 11,3 secondes. Ce n’est pas mal, mais je n’ai pas réussi à descendre sous la barre des 10 secondes comme l’annonçait Harley. La moto se montre nerveuse, elle ne se commande pas bien… Quelque chose fonctionne mal… C’est peut être la faute du pilote… La seconde course a été plus rapide mais pas beaucoup mieux. Les sensations étaient telles, si différentes et si rapides, qu’il était difficile de mettre en pratique tout ce qui nous avait été dit ce matin là.
Après les deux derniers tours, en voyant les autres testeurs tenter de descendre sous les 9 secondes, ma nervosité a disparu. Si je m’applique, la Destroyer se montre solide, stable, furieusement rapide et elle démarre en flèche. Elle a été conçue pour cela, c’est tout ou rien, et elle le fait étonnamment bien. Il n’y a rien de comparable. Sauf une autre dragster. Si vous souhaitez en posséder une, vous devez savoir que vous pourrez l’utiliser seulement sur routes pour dragsters ou lors de présentations, et qu’il y aura peu d’exemplaires destinés à l’Europe. Seulement huit unités pour le Royaume-Uni, huit autres pour l’Allemagne, et le même nombre pour les autres pays, et qui sont uniquement destinés aux concessionnaires officiels Harley. De plus, il vous faudra débourser 30 000 euros. Mais si vous l’obtenez, pensez que vous aurez entre vos mains une Harley unique, aux très grandes performances, une potentielle gagnante de courses de dragsters.
Traduit et adapté de SOLOMOTO par Pauline Balluais